Notre condition de femme est une expérience millénaire qui nous aura appris que les transformations structurelles des sociétés viennent des femmes. Hier comme aujourd’hui, celles qui sont en résistance, partout dans le monde, ce sont les femmes. Elles portent des luttes quotidiennes qui décrivent une dynamique émancipatrice puissante, une solidarité invisible spécifiquement féminine qui, à l’échelle d’un temps géologique, aura bouleversé toutes les sociétés.
Mais l’histoire ne retient pas ces mouvements, considérés comme marginaux dans des sociétés mues par des préoccupations financières, économiques, politiques et belliqueuses. Pourtant, cette matrice féminine continue de faire son œuvre. Dans les quartiers populaires, comme ailleurs, les femmes sont en première ligne ; on le voit à chaque conflit dans le monde, comme à chaque émeute qui éclate en banlieue.
Mais que se passe-t-il quand le calme revient ? Les femmes retombent dans l’invisibilité de leurs luttes quotidiennes, et sous l’impulsion de mouvements féministes, plus ou moins influents, elles tentent de faire avancer leurs droits.
Ma conviction féministe est née de cette expérience empirique de femme issue de l’immigration, des quartiers populaires autant que de la classe populaire.
Comme beaucoup de banlieusardes, je n’ai jamais quitté ma banlieue. J’y suis attachée, par affection, mais surtout par conviction citoyenne. C’est de ce parcours de vie qu’est né le féminisme populaire. Il prend sa source dans l’expérience de « l’être » femme et tend à poser les femmes des quartiers populaires comme un groupe social à part entière.
Depuis le confinement, avec les membres de mon association, Les Ateliers du Féminisme Populaire, nous avons décidé de changer de cap, d’être ambitieuses et de rendre visibles ces milliers de femmes, et surtout de les soutenir à grande échelle, pour leur permettre d’aller plus vite, plus loin, plus fort, dans leur recherche d’émancipation économique.
Notre pari : transformer les quartiers populaires en donnant le pouvoir économique aux femmes, lutter contre les trappes de pauvreté et l’inertie qui les assigne.
Nous avons observé que les programmes d'accompagnement traditionnels ne suffisent pas, il est essentiel de créer un espace à la fois en ligne et physique, spécialement conçu par et pour ces femmes.
Notre tiers-lieu vise à transcender sa simple dimension physique ; il sera un centre névralgique dédié à l'émancipation économique et à la créativité entrepreneuriale, ancré au cœur du territoire Est Ensemble dans le 93.
En parallèle, en développant notre première plateforme de solidarité active, POP, nous ambitionnons de créer un espace où la solidarité prend vie. Malgré le manque de mixité sociale dans certains quartiers, cet espace en ligne permettra aux énergies positives de se rassembler, favorisant l'entraide, le tissage de liens et la construction d'une société inclusive, où les préjugés sont dépassés et où chacun peut contribuer pleinement.
Cette combinaison d'une présence en ligne dynamique et d'un lieu physique engageant reflète notre engagement à soutenir et à renforcer l'autonomie des femmes des classes populaires, en offrant des opportunités concrètes d'épanouissement personnel et collectif.
Bouchera Azzouz, Co-présidente Des ateliers du Féminisme Populaire
